Ae Woon est né dans une famille sans histoire. Lui même était un enfant sage, qu'on posait avec un livre dans un coin de la pièce et qu'on pouvait venir rechercher une heure plus tard sans que rien n'ait bougé, à part le nombre de pages tournées. Elève modèle, un peu mis à l'écart à cause de ses résultats brillants, peu d'amis, une vie banale et ordinaire. Que fait-il là?

Le printemps de ses quinze ans. Reçu, comme d'habitude, avec succès à son examen d'entrée au lycée. Le jour de la rentrée, il se prépare, fait connaissance avec de nouveaux camarades, s'adapte à son nouvel environnement. Avec quelques difficultés. Ae Woon se fait un peu chahuter, à cause de sa fine constitution, est l'objet de moqueries causées par son allure fragile. Il pensait être arrivé à un stade où les autres dépassent tout ça. Il avait tord.

Il trouve refuge auprès d'un élève plus âgé, qu'il a connu dans son club de photographie. Quelqu'un qui l'écoute, qui le comprend, qui l'apprécie. Ae Woon ne se rend pas compte de l'attachement que lui porte son hyung. Même lorsque ses gestes sont plus caressants, ses regards plus attentifs, sa voix plus douce. Un soir, alors qu'il aide au développement des photos prises lors du match de baseball, son hyung multiplie les contacts furtifs dans la chambre noire exigüe. Ae Woon ne fait pas attention. Il ne fait pas attention non plus quand son hyung passe la tête au-dessus de son épaule pour voir le résultat... Mais écarquille les yeux lorsqu'il sent son souffle s'approcher trop près de la peau de son cou... La suite, on la connaît tous. Ae Woon s'est laissé faire. Parce que c'était son seul ami, parce qu'il le respectait trop pour s'opposer à lui... Ca a régulièrement recommencé. Soi-disant pas amour. Il l'aimait. Il le forçait à faire ces choses par amour, à lui, Ae Woon, qui n'était encore jamais tombé amoureux. Le jeune homme ne se défendait pas. Et petit à petit... toute son innocence, la pureté que son hyung disait aimer... s'envolait de son cœur... Il se sentait sale, souillé par un amour qui lui était imposé. Et personne qui ne voyait rien, qui ne voyait pas qu'il avait changé.

Ses résultats chutent brusquement. Il se renferme soudainement, lui qui n'était déjà pas beaucoup extraverti. Il sèche, ponctuellement, puis de manière régulière, jusqu'à ne plus venir en cours. Pour ne plus le voir, pour ne plus à avoir à subir ça. Le lycée appelle ses parents, "Votre fils n'est pas venu en cours depuis..." Ses parents s'affolent, lui demandent ce qu'il y a, Ae Woon ne réponds pas, leur en veut de n'avoir rien vu, de l'avoir laissé. Le lycée le renvoie.
Ae Woon est intégré à un autre établissement pour sa deuxième année. Mais quelque chose a changé, quelque chose s'est brisé... Il y a quelque chose qu'on sent en sa présence, une froideur... Même s'il sourit, même s'il rit, en lui, ce n'est que comédie. Il n'y peut rien. La première et dernière fois qu'il a accordé sa confiance, on en a profité, on en a abusé... Ae Woon se cache, se protège, et la méfiance est devenue sa meilleure amie.

Arrivé en première année de fac, la vie est devenue trop facile. Trop ordinaire. Pas vraiment d'amis, des résultats brillants, une famille aimante qui lui donne tout et qui a passé l'éponge. Rien d'excitant pour celui qui, au fond de lui, veut encore être aimé. Très égoïstement, très bizarrement, il a encore besoin de ce piment...

Il sait qu'il attise les regards des garçons qui ne sont pas vraiment dans les "normes morales". Il sait que son air innocent et sa solitude en charment certains. Et surtout son corps fin et ses allures fragiles. Un garçon lui a proposé de travailler dans un bar d'hôtes. Pour hommes comme pour femmes, d'ailleurs, et lui a assuré que c'était un moyen facile de gagner de l'argent rapidement. Il a accepté. Etant doué, ses études n'en souffrent pas. Ses parents n'en savent rien, et croient qu'il passe ses nuits au campus... Il n'en est rien. Ses nuits, Ae Woon les passent à "travailler", à charmer toute sortes de personnes, les séduire, et voir plus si jamais elles ont de l'argent.

Ae Woon aime se sentir aimé. Mais ne veut pas aimer. Il sait à quel point être amoureux rend vulnérable, il le voit tous les jours, et son cœur meurtri n'a pas besoin d'autre blessure. L'amour ne lui sert à rien, si c'est lui qui l'éprouve, se dit-il chaque jour.